Les grands paresseux de l'Histoire 3
Steve Jobs
Nous sommes dans les années soixante. Un épais brouillard cannabique recouvre la Californie, et sur les campus on expérimente avec entrain tout un tas de nouvelles drogues en devisant gaiement sur la vie, l'univers et le reste. Parmi tous ces hippies crasseux et mal coiffés, un dénommé Steve Jobs, junky beau parleur, rencontre un brave looser, matheux binoclard de service, du nom de Steve Wozniak. C'est sans doute parce que Jobs, défoncé, trouva très drôle qu'ils portent le même prénom, qu'il décida de glander avec un hazbine de l'ampleur de Wozniak.
Quoiqu'il en soit, le binoclard s'intéresse à l'informatique, alors à la mode chez les jeunes matheux californiens. Jobs n'y comprend pas grand chose, mais se dit qu'il y a là de quoi se faire un paquet de pognon sans en foutre beaucoup, Wozniak s'occupant de toute la partie chiante. Lui prend en charge la partie créative (c'est-à-dire qu'il se défonce et monologue interminablement).
C'est ainsi qu'entre deux trips, Jobs fait cette constatation: tant que seules les grosses têtes à la Wozniak auraient accès à l'informatique, les ordinateurs n'auraient aucun débouché commercial. Alors que si on concevait des ordis spécialement pour les feignasses dans son genre, vaguement intéressés et clients potentiels mais trop fainéants pour apprendre la programmation, on deviendrait riche. Du moins si on parvenait à trouver quelle utilité un particulier aurait d'un ordinateur, nota Wozniak. Programme, je m'occupe de vendre, répondit alors Jobs.
Partant de là, il ne s'agissait plus qu'à trouver un moyen pour que l'utilisateur puisse interagir avec son ordinateur sans se farcir des lignes de codes. Or c'est là que se révèle tout le génie paresseux de Jobs: au lieu de se creuser un peu la tête, il préfère s'épargner cette fatigue inutile et s'empresse de faucher le concept d'interface graphique/souris à des grosses têtes de Rank Xerox.
Ce brillant fait d'arme, ce parti pris du moindre effort dans la conception de l'ordinateur pour feignasses (baptisé Paresseux Computer, ou PC) qui permet à des branleurs dans mon genre d'avoir accès à l'informatique, suffirait à faire entrer Steve Jobs au panthéon des paresseux. Mais l'homme a plus d'un tour de feignasse dans son sac.
En effet, dans les années 90, Apple va pas fort. L'entreprise décide donc de faire appel à son père fondateur, son grand timonier à elle. Steve revient aux manettes avec une idée molle révolutionnaire: « Vous voyez la New Beetle de Volskwagen? Bin on va faire pareil. » Faire passer un vieux produit pour une super nouveauté du futur uniquement grâce à la magie du design, c'est le pari fou et incroyablement paresseux de Steve Jobs avec l'iMac. Et ça va marcher du feu du dieu (même si après cette belle réussite, le designer d'Apple semble avoir été atteint à son tour de flemme chronique, optant pour un design « minimaliste » et blanc. Bin oui, c'était épuisant à dessiner toutes ces courbes et ces couleurs.)
Ca va même marcher tellement bien qu'à chaque fois qu'on va demander une innovation à ce cher Jobs, il va ressortir la même idée, témoignant là d'une admirable constance dans la paresse. Par exemple, on prend un baladeur mp3, on le passe à la feignasse du design qui sort son équerre, son compas et son pot de peinture blanche, et hop, on a l'iPod. On prend un smartphone, pas un haut-de-gamme, non, le smartphone de base comme HTC, par exemple, en fait depuis des années, on colle dessus le logo à la pomme, et hop on a l'iPhone (là où Jobs est décidément costaud, c'est que Cisco avait déjà un téléphone wifi appelé « iPhone ». C'est fou, il a même pas inventé le nom... Quel talent.)
Et comme d'hab, ça crée le buzz, les médias en peuvent plus, et plein de gens s'imaginent vraiment que l'iPhone est une révolution. A la rigueur, oui, il est révolutionnaire dans la mesure où le designer d'Apple semble avoir découvert le pot de peinture noire.
L'avenir d'Apple, porté par la molle vision prophétique de son gourou, semble donc radieux. Qui sait ce que le cerveau génial de Jobs nous réserve pour demain? Une iCafetière, un iAspirateur ? En tout cas, une telle carrière de branleur force le respect.